Le CSF

Rapport de mission février-mars 2005

Ce rapport de voyage constitue une base de travail pour nos futurs départs et une synthèse complète de notre expédition de Février-Mars 2005. Le rapport de la mission de Mars 2004 n’ayant pas été effectué, nous n’avons pas trop d’informations écrites sur le déroulement du projet de Thiès. De plus, les contacts de Thiès n’ont pas pu m’accueillir alors que je l’ai prévenu durant 1 mois de mon arrivée vers la mi-mars. Ce rapport ne relatera donc que notre expérience en Basse Casamance.

Nous avions prévu en 2004, en collaboration avec l’éco-site Lilibé, d’implanter des fours solaires et de les expérimenter pendant 6 mois sur l’île de Carabane en Casamance (Sénégal). La mission qui vient d’être effectué avait pour but de faire le suivi de l’implantation après 1 an et d’étudier la faisabilité d’un projet de construction de poêle a économie de bois. Enfin, Manuel MOREAU a décidé de réaliser un film documentaire sur l’utilisation des cuiseurs, sur la construction des poêles ainsi que sur les problèmes de gestion des déchets en Casamance.

Cette expédition a été très enrichissante autant d’un point de vue humain qu’écologique ; nous avons été plongés dans la réalité des pays en voie de développement. En partenariat avec l’éco-village de Lilibé, nous allons continuer à expérimenter toute une panoplie d’énergies renouvelables (solaire, éolien, méthaniseur, poêle à économie de bois,...). Si les résultats sont probants, des formations sur celles-ci auront lieu dans le village de Carabane et ceux des îles aux alentours. Mais nous savons tous que les projets en Afrique prennent du temps. Le proverbe Wolof dit " Doucement, Doucement, celui qui veut attraper le singe dans la brousse ".

1.Bilan

Lors de ma mission de suivi, je me suis baladé discrètement dans le village pour essayer de retrouver tous les fours. Ensuite, j’ai été voir la plupart des propriétaires. Un petit rappel chronologique de notre mission : Avril 2003 : Mission de reconnaissance à Carabane et construction d’un four de type Ulog. En l’occurrence, ce four est complètement rouillé en mois de 2 ans.

Notre premier four construit il y a 2 ans

Décembre 2003 : Construction de 10 cuiseurs solaires suivant les plans de Raymond SOTIN. Les fours peuvent accueillir une marmite de 40 cm de diamètre et 40 cm de haut. Abdoulaye TOURE était là pour nous aider. Mars 2004 : Formation à la cuisine solaire par Abdoulaye TOURE Avril 2004 : Une équipe est passée 2 jours pour voir si les femmes utilisaient les fours. Mars 2005 : Mission de suivi pour savoir si l’implantation est optimale.

Nous avons détectés plusieurs problèmes qui font que le projet n’a pris à 100%. Tout d’abord un aspect culturel, les femmes africaines aiment être derrière leurs marmites. De plus, ils aiment bien que la sauce bouille à gros flots. On a même vu à l’éco-site, un employé remettre sur le feu, le plat qui sortait du four alors que c’était très bien cuit. J’ai vu des femmes qui travaillaient au jardin, je leur ai demandé si par ce beau temps, si elles avaient mis le four a chauffé, elles m’ont répondu à l’unanimité qu’elles étaient au jardin et ne pouvaient pas suivre la cuisson. Le temps de cuisson est souvent trop long d’après les femmes. De plus, il y a peu de femmes qui ont réussi à bien cuire le riz. Un autre aspect culturel, ils aiment bien manger le riz qui accroche dans le fond de la marmite et avec la cuisson au four c’est impossible.

La responsable du groupement des femmes nous a aussi expliqué que les femmes étaient intéressées surtout par la marmite et le fourneau économe, nous avons fournit, un four solaire, un fourneau économe et sa marmite. Avec le système de micro crédit, elles y gagnaient obligatoirement. Si nous avions proposé que le four, il y aurait eu moins de femmes intéressées d’après la responsable.

La responsable du groupement des femmes nous a aussi expliqué que les femmes étaient intéressées surtout par la marmite et le fourneau économe, nous avons fournit, un four solaire, un fourneau économe et sa marmite. Avec le système de micro crédit, elles y gagnaient obligatoirement. Si nous avions proposé que le four, il y aurait eu moins de femmes intéressées d’après la responsable.

L’ensoleillement de Carabane n’est pas très important, nous sommes dans l’estuaire du fleuve et donc une bonne partie de l’année il y un voile nuageux sur l’île. On estime à 4 mois de l’année, le temps parfait pour la cuisine solaire. Nous avons quand même réussi des recettes sous un ciel partiellement voilé, le temps de cuisson est un peu plus long mais les plats cuisent. Par contre, l’utilisation du four à l’éco-site était souvent impulsée par les volontaires français. Le cuisinier n’a pas l’automatisme d’utiliser le four, même pour faire chauffer de l’eau. Par contre dès que le fourneau économe est arrivé, Médoune, l’un des employés, se l’est très vite approprié. Les quelques jours que le fourneau est resté à Lilibé, nous avons cuit du riz avec vraiment très peu de bois, à peu près 8 fois moins.

Nous avons recensé 3 fours qui ont les vitres cassées, généralement les enfants jouaient près du four. Nous avons demandé aux femmes qui souhaitaient réparer leur double vitrage de payer les vitres. A l’heure actuelle, aucune femme n’a fait la démarche pour changer les vitres.

Nous nous sommes rendu compte aussi que certaines femmes ayant les moyens financiers avaient acheté un four juste pour en avoir un. J’ai aussi été surpris qu’une femme se serve de son four comme garde manger.

Les fours ne vieillissent pas très bien, à cause de l’air marin. Il faudrait envisager de les repeindre. En revanche, le papier aluminium qui sert à réfléchir les rayons est en bon état. L’isolation entre les 2 vitres n’est pas parfaite, il y a du sable qui vient se mettre en ces 2 vitres. Ce qui a pour effet de réduire l’efficacité du four, mais il chauffe quand même fort.

En revanche, toutes les femmes sont très contentes d’avoir un four. Elles sont conscientes aussi d’avoir la chance de posséder un four qui fonctionne avec le soleil. Avec le temps, elles s’en serviront plus souvent car il y a quand même des femmes qui maîtrisent la cuisine solaire.

2. Témoignages

J’ai rencontré la plupart des propriétaires, excepté 2 personnes qui étaient en voyage. J’ai recueilli les témoignages de 3 habitants du village :

Sidy DIAFOUNE, le menuisier du village, m’a dit que le jeudi avant notre arrivée il avait cuisiné de la sauce au poisson et préparé son thé dans le four. Il a rajouté que pendant la cuisson, il a pu continuer ses travaux de menuiserie.

Khady MBAYE, vendeuse dans une boutique du village, m’a rapporté qu’elle avait fait cuire des pommes de terre, des gâteaux, du bissap (boisson traditionnel de l’Afrique de l’ouest), œufs et de la viande. En revanche, elle n’a jamais pu faire cuire du riz car c’est trop long. Pendant la phase de test, elle a aussi chauffé de l’eau pour faire la vaisselle et se laver. Enfin, le fourneau économe de TOURE économiserait 2 fois moins de bois. Le sien était encore en bon état.

Fatou GUEYE, marchande de poisson fumé, a été la plus disponible. Elle s’est vraiment appropriée le matériel fourni. Elle a utilisé 3 fois par jour le fourneau économe et l’utilise encore malgré son état déplorable, car elle économise toujours du bois par rapport à la cuisine traditionnelle sur 3 pierre. A cause de la cueille du bois, les villageois sont obligés d’aller en pirogue dans les petits bras de mer (bolong) pour ramasser du bois. Sinon tu dois marcher longtemps ou acheter ton bois.

Je me suis rendu compte que ces fourneaux étaient pourris sous la peinture galvanisante, donc si on l’utilise beaucoup, ils se ruinent très vite. Fatou m’a dit qu’elle consommait 3 bâtons de bois au lieu de 6. Elle a souligné aussi que les marmites fournies par TOURE n’étaient vraiment pas de bonne qualité. Enfin, elle a ajouté que pendant qu’elle s’occupe de son poisson fumé, les aliments cuisent dans le four sans avoir besoin de suivre la cuisson. Elle garde le repas du midi au chaud dans le four pour le soir. Elle a essayé plein de recettes différentes (gâteau, viande, poisson) et elle fait chauffer de l’eau pour laver les enfants.

J’ai rencontré d’autres propriétaires qui m’ont dit l’avoir utilisé pour cuire des œufs, du poisson. Mais depuis la fin de la saison des pluies, les fours n’ont pas été ressortis.

Lors de ma mission, j’ai pris le temps d’aller à Mlomp, j’avais lu dans un journal de Bolivia Inti qu’il y avait eu une expérimentation de 6 mois dans ce village à 15 km de l’île de Carabane. J’ai rencontré Juliette CAGNON, une sœur responsable d’un centre d’éducation pour les femmes visant à éviter l’exode rural. J’ai rencontré une femme qui m’a dit qu’elle ne se servait pas du four, ou juste pour chauffer un peu d’eau. Juliette m’a aussi expliqué que dans la culture Diola, la femme est reconnue que si elle va chercher son bois. Je n’ai pas entendu dire cela sur l’île de Carabane. En revanche à Mlomp, il est flagrant que la cuisine se fait essentiellement au feu de bois, et devant les maisons de très gros stocks de bois sont entassés.

Finalement, les fours n’ont vraiment pas l’air approprié dans cet endroit. Le jour où je suis venu, un soleil de plomb rayonnait mais les femmes cuisinaient au bois. Les sœurs ont rajouté que l’on ne peut pas changer une culture aussi profonde du jour au lendemain. Par contre, les sœurs sont très satisfaites de leur séchoir solaire, elles peuvent sécher des aliments pour les conserver plus longtemps. Au moment de mon passage, elles séchaient de la salade diola en 2 jours.

Séchoir solaire de Mlomp

3. Etude des coutumes culinaires dans le village de Carabane

Afin de mieux comprendre comment les femmes cuisinent, je me suis baladé au village à l’heure de la préparation du repas. C’est très intéressant, les femmes ont une case spéciale pour la cuisine. Dans cette case, la marmite est posée sur trois pierres et les femmes restent dans la fumée pendant presque toute la cuisson. L’ensemble des familles vit dans des cases disposées de la manière suivante.

Disposition typique des cases d’une famille sur l’île de Carabane

Au cours de nos précédentes missions nous aurions dû porter plus d’attention pour comprendre le fonctionnement d’une famille type du village avant de se lancer dans l’implantation de cuiseur solaire. Ce n’était pas spécialement l’outil le plus adapté, mais il reste un outil efficace s’il est compris par la population. On trouve déjà un fourneau économe, moins efficace que ceux construits depuis mais ils connaissent l’existence de cet outil.

4. Dépouillement des feuilles de cuisson

Les femmes ont rempli les feuilles de cuisson à chaque cuisson au lieu de les remplir par semaine. Nous avons donc du mal à estimer la fréquence d’utilisation. Nos conclusions portent sur le temps de cuisson et sur le nombre de personne par cuisson. Nous avons fait une moyenne pour chaque plat réalisé. En l’occurrence, les fiches montrent qu’ils étaient satisfaits au niveau du goût sur l’ensemble des recettes.

Nous avons remarqué que la viande met longtemps à cuire, sinon la plupart des plats mettent 3h à cuire. Les fiches ne montrent pas que les femmes ont utilisé le four sous un ciel partiellement nuageux. Elles ne l’utilisent que dans les meilleures conditions climatiques.

5. Film

Je suis parti avec une caméra numérique et j’ai pu filmer la construction complète du premier fourneau économe. J’ai pris des images des décharges à ciel ouvert en plein milieu des quartiers pour montrer la réalité des problèmes des déchets. Fatou GUEYE a accepté de se faire filmer pendant la préparation d’un poisson yassa solaire. En opposition à la cuisine solaire, j’ai aussi filmer la préparation du repas traditionnel dans les cases cuisines. Enfin, j’ai filmé la vie à l’éco-site pour permettre de faire la promotion du lieu. Nous allons certainement sortir un DVD avec plusieurs petits documentaires (cuisine en Afrique, construction du fourneau économe, vie à Carabane, gestion des déchets,...), une partie des bénéfices servira à construire des fourneaux économes.

Construction de poêle économe

1. La construction

J’ai essayé de construire un fourneau économe avec un pot de peinture et des feuilles de zinc pour le coude. J’ai mis un peu de temps pour trouver un pot de peinture vide sur l’île. C’est le propriétaire de l’Hôtel Carabane qui me l’a donné. Il m’a demandé que je lui donne ma paire de tongue en échange, il l’a dit en rigolant mais j’ai failli me retrouver pieds nus pour un pot de peinture. Je n’ai pas réussi à faire un beau coude avec mes feuilles de zinc et de plus le pot de peinture était percé. J’ai failli perdre mes claquettes pour un pot de peinture troué ;-)

Premier test de construction de fourneau économe

Nous avons décidé de retourner à Ziguinchor et de le faire fabriquer par un soudeur. Nous avons rencontré Baba GASSAMA, un adhérent de Koukalyba, qui a un atelier de soudure. Nous lui avons montré un plan de fourneau, il nous a alors présenter un chaudronnier. Nous avons décidé de tout faire avec du métal neuf, car les pots de peinture coûtent aussi chers que la matière première pour faire le cylindre extérieur. De plus, nous ne pouvons pas faire des soudures propres sur la tôle de pot de peinture. Ensuite, nous avons acheté les tôles pour commencer la construction. Le matériel a été acheté avec l’argent du micro crédit des fours. Nous avons pris de la tôle de 1 mm pour faire le cylindre extérieur et de la tôle de 1,5 mm pour le coude et les couvercles. Le premier fourneau a été construit en 1 jour et demi, le second n’a pris qu’une journée. Finalement, le chaudronnier a aussi fait les soudures, il est équipé d’un poste de soudure.

Construction du cylindre extérieur et Construction du coude

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Ajustage du coude dans le cylindre et Soudure des couvercles

Le chaudronnier est vraiment impressionnant, il a réalisé tous les cintrages au marteau et les découpes au burin. J’ai réalisé un film sur la construction du fourneau (impressionnant !!!!). Après la construction du premier fourneau, nous avons décidé d’optimiser les dimensions. Ainsi avec deux plaques de métal de 1m*2m, nous pouvons sortir 4 fourneaux pour des marmites de 5 kg qui ont un diamètre de 32 cm. La plaque de 1mm d’épaisseur coûte 9000 CFA (13,7€) et la plaque de 1,5 mm 14500 CFA (22,1€). Le chaudronnier nous demande 5000 CFA (7,5€) par fourneau. Ces prix évolueront certainement si nous décidons de produire une plus grande quantité. Finalement, le prix de revient d’un fourneau est de 11000 CFA (16,5€).

2. La phase de test

Nous avons décidé de faire une phase de test sur les 2 mois à venir, notre contact local revient fin mai en France. Nous déciderons alors de la suite à donner au projet.

Notre implantation à Ziguinchor est très intéressante, dans un cercle de 1 km de diamètre, nous trouvons le soudeur, le fournisseur et notre première famille témoin. Je suis en contact avec la première famille témoin, c’est ma famille adoptive. J’y ai établi un petit protocole d’utilisation, ceux-ci vont même essayer de peser le bois pour estimer le nombre de gramme qu’il faut pour cuisiner un plat.

Mama Mariama BA, l’heureuse propriétaire du premier fourneau (Ziguinchor)

Le second fourneau a été emmené sur l’île de Carabane et donné à la seconde famille témoin, la famille DIATTA. Ils étaient très enthousiastes de pouvoir tester ce matériel. Le fourneau a été installé dans la case de cuisine. J’espère qu’il y a assez d’air qui rentre dans la case pour attiser le feu. Le principe de fonctionnement a été expliqué en diola par Médoune qui maîtrise l’utilisation du fourneau. Tous les détails n’ont pas été oubliés surtout sur l’entretien, et l’évacuation des cendres. Le troisième fourneau est fini. Il est attribué à l’éco-site de Lilibé, afin de le tester.

La remise du fourneau à Carabane

Perspectives

A l’heure actuelle, nous attendons les résultats du test des fourneaux. Si ceux-ci sont concluants, nous avons pour l’instant de quoi en financier une quinzaine. Dans le futur, nous mettrons peut être en place un atelier de production qui pourra en fournir pour la ville et les villages. Je compte partir entre 8 et 9 mois sur place pour mener à bien ce projet d’atelier. Je vais régler toutes les formalités administratives et trouver des subventions pour établir un projet durable et autonome. Ainsi, je compte faire former des jeunes à la chaudronnerie et à la soudure. En ce qui concerne les fours solaires, nous allons peut être en construire des plus petits car ceux-ci sont trop grands et surtout trop lourd. La construction de 4 nouveaux fours a été envisagée pour voir s’ils sont plus appropriés. Un autre projet envisagé est la construction de séchoir solaire pour sécher des légumes, des fruits et peut être du poisson. La construction de ceux-ci ne doit pas coûter cher. Le séchoir est simple d’utilisation et montre des résultats rapidement.

Notre contact local arrive en France fin mai, les nouvelles décisions seront prises à cette période.

Conclusion

Cette mission a été très intéressante et surtout a permis de compléter notre expérience. Nous tirons un bilan mitigé de l’implantation des cuiseurs. Des raisons culturelles et climatiques que nous n’avions pas spécialement bien cernées au début du projet sont les principales causes de ce résultat. Maintenant, nous avons un recul suffisant pour mettre en place des projets qui vont prendre en compte tous ces facteurs. Nous nous orientons vers la construction de poêles économes, tout en continuant la sensibilisation sur l’énergie solaire. Nous allons développer des petits projets autour du solaire, comme les séchoirs solaires. En vivant dans les familles, on se rend vite compte que l’écologie et la protection de l’environnement sont des idées occidentales. Il faut essayer de leur apprendre des techniques simples et utiles sans s’étaler sur des discours environnementaux. Il y a beaucoup de choses importantes pour les écologistes qui deviennent des détails en Afrique. La première priorité de la journée étant de trouver à manger, le tri sélectif passe après. Nous devons continuer à travailler avec les populations locales, et surtout vivre avec eux pour mieux comprendre leurs coutumes. Après nous pouvons envisager d’autres de projets intéressants pour eux et pour notre planète. La réussite de projet passe obligatoirement par cette voie sinon l’échec est garanti. Il faut aussi former des gens pour suivre les projets et ainsi les pérenniser.